La vie à bord : 56°30 N par 30°45 W
Comment s’organise la vie à bord ?
Tout dépend du temps : ou il est clément ou nous sommes dans un gros coup de vent (qui est prévu vendredi). Dans les deux cas nous sommes comme sur un sol mouvant et le corps doit compenser en permanence pour garder l’équilibre. Cela se fait donc plus ou moins en douceur.
LES TOILETTES
Le plus grand exercice « sportif » est l’épreuve des toilettes surtout dans le gros temps où même un tout petit pipi demande un réel talent ; il faut toujours avoir une main qui s’accroche quelque part. Donc de l’autre main il faut ouvrir la porte, assez lourde, et bien la tenir car suivant les mouvements du bateau elle a tendance à claquer sur la cloison en face ou à se refermer sur les doigts. Une fois dans la place, heureusement étroite, il faut éviter de se cogner au lavabo ou à l’échelle de bain stockée à cet endroit. On est toujours cramponné d’une main donc il ne reste qu’une main de libre pour baisser un à un les nombreux effets accumulés pour lutter contre le froid : collant, jogging, sur-pantalon, sur-sur-pantalon….Une fois assis (ouf!)il resta à se débattre avec le rouleau de papier toilette et de refaire les opérations en sens inverse, toujours d’une main, en espérant que tout ne se soit pas « bouchonné » sur les genoux. Et, aie ! attention aux doigts dans la porte en sortant. Un conseil, pour éviter une trop grande fréquentation de ces lieux : ne pas trop boire !
LES REPAS
Par tous les temps, il vaut mieux manger assis par terre dans la coursive, à moins de se sentir assez adroit pour éviter que l’assiette ne glisse intempestivement ou que le verre ne se renverse sur la table. De plus par gros temps c’est plus pratique de manger dans des bols, les rebords sont plus haut mais attention quand même pour boire la soupe, car sur un coup malencontreux de roulis le bouillon peut vite vous remplir le nez. Il faut avoir des bras sur cardan comme le réchaud. Et par très gros temps, on ne mange pas : on grignote fruits secs et biscuits au fond de la couchette.
L’ALIMENTATION ?
On peut soutenir un siège : les boîtes de conserve sont nombreuses et variées, plus pâtes, riz et purée ; on ne manque de rien sauf d’un bel aloyau et de quelques légumes frais. Fruits au sirop et crèmes dessert sont en grande quantité.
L’EAU
Il faut l’économiser au maximum. Pâtes et riz sont cuits avec 1/3 d’eau de mer (au large) et on lave la vaisselle également à l’eau de mer ce qui n’est pas un problème sauf la température pour nos petites mains quand nous naviguons au milieu des glaçons. La lessive ? On n’en fait pas ; on attend d’être dans un port ou près d’un torrent. La douche : la même chose exception de quelques ablutions dans le cockpit quand la température extérieure le permet. Le Groenland manque d’eau et à part un robinet à Qaqortok et deux torrents dans nos mouillages nous n’avons pu nous réapprovisionner. Les Inuits en ont bien sûr pour leur quotidien mais c’est très contrôlé.
LE SOMMEIL
C’est le plus dur à gérer. En haute mer, loin de tout trafic maritime on branche le détecteur de radar et on ne fait pas vraiment de veille Alain surveillant de temps en temps cap et vitesse mais les mouvements constants du bateau et le bruit du vent et des vagues ne se prêtent tout de même pas à un repos serein. La navigation côtière, elle, nécessite des quarts attentifs : 2h debout, 2h au lit (ce qui ne veut pas dire pouvoir dormir). Il faut gérer le temps, la mer, les voiles, les cargos, les chalutiers (les plus difficiles à surveiller car ils n’ont pas de cap constant) et surtout le manque de sommeil.
LE FROID
La moyenne a été, tant en Islande qu’au Groenland, entre 5 et 14°. On s’habitue très vite. Il faut quand même bien se couvrir mais les vêtements chauds actuels sont très efficaces. J’accumule toutefois un certain nombre de couches : on pourrait me surnommer « Madame Michelin ». L’humidité ambiante, par contre, est plus gênante car dans cet air marin rien ne sèche.